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LES SOUFFLANTS DU BONNET-Fabliaux et contes drolatiques-éd.L'HYDRE

"C'est un foyer ronflant alimenté de petits fagots de fabliaux, textes innatendus et inclassables par leurs pirouettes de situations....."Encore un godet" auraient demandé depuis leur lointain jadis, ces grouillants faux escholiers entre les murs suintants des Halles truandes." Extaits de la préface de Claude Seignolle.

Ce livre regroupe une quarantaine de dessins et autant de textes courts, pour la plupart nés de ces croquis qui sont à l'origine des esquisses pour préparer des peintures.

A BAILLÉ

Il sortit sur le pas de la porte et déploya ses bras en croix, s'étira et ouvrit tout grand la bouche pour bâiller. Il remarqua alors que le printemps était arrivé et que les hirondelles allaient et venaient, faisant de grandes glissades sur le ciel, les ailes en parenthèses et la queue en guillemets.

Elles voletaient d'un toit à l'autre, d'auvent en gouttière, cherchant l'endroit idéal pour construire leur nid. Les bras tendus, la bouche béante, il regardait fasciné cette chorégraphie quand une jeune hirondelle  s'élança vers lui, s'engouffra dans sa bouche et se posa sur une dent de sagesse que l'âge et la carie avaient creusée d'un impressionnant cratère.

Il n'osait plus bouger et quand une deuxième hirrondelle s'enfourna à son tour, il se sentit pétrifié, les machoires bloquées.

Chacune à son tour sortait de la caverne buccale et revenait un peu de boue au bec, oeuvrer sur la dent creuse, construire le nid. Il attendait avec patience, retenant le baillement toujours au fond de sa gorge, les bras largement ouverts comme près à l'envol, et passa le printemps, le nid cimenté sur la molaire.

Bientôt, ça gazouilla toute la journée, les petits étaient nés. Il attendait mais quand la faim était trop intense, il disputait du bout de la langue quelques moucherons aux gosiers insatiables de ses petits locataires et à la moindre ondée, il humectait ses lèvres d'eau du ciel. Un jour une feuille jaunie se posa à ses pieds, c'était l'automne. Les hirrondelles s'exercèrent pour le grand voyage et se posèrent sur ses bras avant de s'élancer et de disparaître dans le ciel.

Alors libéré, un long baillement sortit de sa gorge, il serra les dents et croqua le nid d'hirondelle. Les chinois avaient bien raison, c'était un mets délicieux. Ses bras retombèrent le long de son corps, l'hiver approchait, il était temps de rentrer.

in "Les soufflants du bonnet" p.20

FEU DE MAINS

Il ouvrit ses mains, une tache sombre apparaissait au creux de chacune d'elles. Un point minuscule, comme un stigmate ancien pris dans le réseau des rides. Portant ses mains en coupe à la hauteur du visage, il souffla doucement.

   Un léger rougeoiment colora les taches. Avec la régularité d'un soufflet de forge, l'air sifflait entre ses dents, et les points gagnaient d'intensité, d'incandescense. Bientôt l'intérieur de ses mains, de la paume au bout des doigts, rougirent. La peau reflétait la lueur de la braise réanimée. Il gonflait les joues et soufflait de plus belle, tant que la tête lui tournait. Enfin, au creux de ses mains jaillirent les flammes. Il les portait avec précautions, pour ne pas les laisser échapper.

    Il tendit les bras au-dessus de sa tête et les ténèbres qui avaient envahi son crâne se dissipèrent.

in Les soufflants du bonnet p.30

L'AMANTE

    Elle était belle et vieille, avait vécu sa vie, son miroir ne l'avait jamais trahie. Il lui restait des restes de beauté et de charme, que le temps n'avait pas pris le temps d'éffacer. Et sous un grand chapeau de paille, dans une robe de mousseline, on aurait dit une sylphide. Épargnée par les rides, les ans n'avaient prise sur ce visage et pourtant, lasse de se donner, elle se retira au couvent et prit le voile.

    Un jour elle invita tous ses galants, ses amants, ses soupirants, ses courtisans, pour une fête sublime dont elle serait la reine et le soleil couchant. Peu avaient résisté à l'épreuve du temps, et ils se pressèrent en claudicant, à l'appel de la soeur, l'ancienne maitresse, la courtisane, celle qui professait l'amour en tout temps.

    Cette nuée de vieillards, goûteux, lubriques et concupiscents crûrent à une ultime bacchanale. Mais la soeur ne retroussa pas sa robe, elle l'étala à grands plis devant elle et les amants pressés y posèrent le pied. Chacun dans les plis du tissu obscur, s'enlisa puis disparut comme dans un gouffre.

    L'amante religieuse pris une pose pieuse, maintenent son passé aussi n'avait plus une ride.

in Les soufflants du bonnet p.10

 

LA FLAMME

     C'était une cantatrice rousse jusqu'aux cheveux. Elle était comme le feu, les yeux de braise. Devant tant de beauté, les femmes auraient voulu se glisser sous sa peau, les hommes se glisser dans son corps.Mais son corps chantait et dansait comme une flamme, aussi insaisissable, et qui s'y risquait était réduit en cendre.

    Elle aimait un ténor, aussi vif qu'un espadon, son habit de paillettes semblait en écailles de poisson et lançait mille étoiles. Ce ténor, lui, ne voyait que la salle et les vagues d'applaudissement, la marée des spectateurs, et cette mer d'admirateurs où il se serait jeté avec plaisir pour un bain de foule. Sur scène, la cantatrice rousse brûlait les planches et d'un désir de plus en plus ardent pour le ténor qui frétillait comme un gardon. Les spectateurs, devant cette flamboyance, les couvraient d'un crépitement d'acclamations.

    Quand arriva le duo final, la salle chauffée à blanc, bouillant d'impatience, retenait son souffle. Le ténor prit la cantatrice rousse dans ses bras, et une horrible odeur de hareng grillé envahit l'opéra.

in "Les soufflants du bonnet" p.8

CHANT DE NEIGE

Quand la neige est profonde, que la lune accroche des étincelles à chaque cristaux, que le vent souffle dans les branches et fait monter de l'ombre des géants qui dansent, écoutez le chant des champs de neige. Il commence au rythme des pas qui craquent la croûte glacée et crissent dans les cristaux.

    Chaque pas qui s'enfonce laisse en creux son empreinte et celui qui marche est loin d'imaginer que chaque empreinte gravée dans la neige est une bouche grande ouverte qui psalmodit à l'unisson des autres empreintes.

   Quand il s'assied sous un arbre, le chant du froid que soufflent ces innombrables bouches, décroche les flocons des branches et poudre le dos de celui qui vient se reposer. Il se sent plus lourd, son esprit un instant se gèle, bercé par le chant des champs de neige. Et quand il se relève, il ne sait pas encore que des branches lui poussant dans le dos, repoussent et percent son manteau.

    Portant ces ramures comme des trophés, dans la forêt immobile, il est l'arbre qui marche. Du bois il en faut pour allumer le feu et se réchauffer, mais quand il vous hérisse l'échine, on mourait de froid plutôt que de se le faire couper. Alors on préfère marcher pour se réchauffer, marcher sous la lune, marcher dans les champs de neige en écoutant chanter ses pas.

in "Les soufflants du bonnet" p.35

LES SOUFFLANTS

Les soufflants du bonnet vont en file. . Leurs robes sont de longues traînes qui ramassent la poussière et leur musique bruisse le long des chemins comme le vent dans les voiles ou la respiration de l'épouventail.

   Les bonnets des soufflants, hauts et pointus, se recourbent avec la souplesse d'un col de cygne. Ils saisissent la pointe de cette corne formée d'un épais velours, en portent l'extrémité à leurs lèvres et soufflent. Le bonnet se gonfle et un son chuintant se faufile dans les plis du tissus, puis la note enfle sous l'effort du soufflant, à peine un chuchotement, elle devient vrombrissante, pénètre le crâne et le fait résonner comme un choeur de cathédrale. Le cerveau vibre de tous ses lobes, les os tremblent, le son qui afflue, éclate dans les tympans et jaillit par le pavillon des oreilles.

    Quand ils se réunissent en fanfare, on entend de loin la musique des soufflants, comme un fracas de vagues mêlé de vent.

in "les soufflants du bonnet" p.27